
Le choeur
Cité épiscopale d’Albi
Sainte-Cécile d’Albi est la seule cathédrale de France à conserver intégralement son choeur ; dans les autres en effet le jubé a disparu, pour des motifs divers.
Cet ensemble exceptionnel comporte deux registres : un cadre architectural, la clôture, et un ensemble de statuaire très fourni, qui comptait à l’origine 280 statues, dont 150 restent aujourd’hui en place.
Les baies du tour de choeur 1 présentent un réseau à l’allure de flammes ; par ailleurs, la façade externe du jubé expose tous les éléments fondamentaux du gothique tardif : arcs en accolade et contre-courbes qui suscitent un dynamisme architectural renforcé par des verticales bien marquées ; elle intègre également des arcs en plein cintre 2 et des horizontales qui tempèrent l’élan vertical. Les voûtes en éventail, à clés pendantes, sur lesquelles repose la tribune, illustrent le très grand savoir-faire des ateliers engagés pour édifier le choeur.
Ils connaissaient la technique des couvrements complexes et les procédés de construction les plus évolués.
Dans l’ensemble du choeur, la qualité de la stéréotomie 3 s’avère exceptionnelle. Aucune structure, dais, socle ou autre n’est un monolithe (une seule pierre) ; toutes se composent de plusieurs éléments ; l’assemblage de ces derniers, recouverts d’un décor complexe, a requis une grande précision dans leur façonnement, cela d’autant que les joints sont rarement visibles.
Ce raffinement met en exergue la virtuosité des tailleurs de pierre engagés par Louis d’Amboise. Leur grande maîtrise a, seule, permis la floraison des merveilles du flamboyant, surabondantes au chœur d’Albi, où l’ornement foisonne en une sorte de jubilation créatrice. La pierre, guillochée 4 comme un objet d’orfèvrerie, ajourée et présentant des motifs détachés du fond qui les porte, se résout en filigranes et devient dentelle.
Les formes de l’architecture : arcs, pinacles, remplages, 5 se démultiplient de manière étonnante. On a pu dire à cet égard que le dais de la chaire épiscopale constituait à lui seul un résumé de l’art flamboyant. À la féérie de la pierre se conjugue celle des ouvrages de bois et de fer qui sont magnifiques, façonnés par des huchiers (frabricants de meubles) et des ferronniers d’un talent remarquable.
La richesse de la clôture fait du choeur une châsse de pierre qui souligne l’importance essentielle du sacrifice eucharistique opéré dans le sanctuaire, et celle de l’office, prière d’adoration et de requête, chantée dans le choeur proprement dit.
L’intérieur, en particulier, offre un véritable éblouissement. Il frappe par son caractère précieux. Les dais qui dominent les stalles et les anges qui les encadrent composent une extraordinaire « forêt ».
La ciselure de la pierre blanche s’enlève sur des panneaux rouges et bleus et cet éclat chromatique se trouve encore renforcé par les motifs de grotesques dorés qui animent chacun de ceux-ci. L’ensemble de la clôture manifeste une profonde unité dont la finalité est sans doute d’exprimer l’harmonie du ciel et de l’ordre divin.
Tous les détails de la clôture s’avèrent signifiants. On y observe, notamment, l’expression de bien des données de l’arithmétique sacrée du Moyen Âge. Entre autres faits, la clôture comporte trente-trois panneaux, autant que d’années dans la vie terrestre du Christ, et la voûte de la chaire épiscopale compte sept roses et repose sur douze culots.
De même, les feuillages qui courent en maints endroits possèdent un sens profond. Le chêne renvoie à la Première Alliance, conclue par Dieu avec Abraham sous le chêne de Mambré ; la vigne, quant à elle, symbolise la Nouvelle Alliance par le sacrifice eucharistique.
Tous ces détails ont donc fait l’objet d’une réflexion attentive. Le cycle de la statuaire présente une cohérence identique.
1 Choeur : en architecture, le chœur, du grec khoros (ensemble de chanteurs), est la partie du plan d’une église prévue pour les clercs et les chantres. Il peut comprendre le sanctuaire où se déroule le cérémonial liturgique autour du maître-autel, lieu le plus important de l’église. Le chœur est la partie de l’église réservée au clergé, quelquefois appelée chœur liturgique pour la distinguer du chœur architectural qui comprend l’ensemble de la nef située autour du chœur liturgique (collatéral du chœur). Le chœur peut comprendre des travées et se terminer par une abside cintrée ou polygonale, mur plein s’il n’y a pas de déambulatoire ou rond-point dans le cas contraire, ou par un mur plat d’un chevet plat Le corps ecclésiastique est divisé en Haut-chœur qui comporte les dignitaires hiérarchiques et en Bas-chœur le bas clergé, les clercs et les laïcs, réunis autour des choristes, autrefois professionnels (et souvent amenés, du moins pour les principaux, à prendre les ordres, mineurs comme celui de lecteur, ou majeurs comme ceux de sous-diacre, diacre ou prêtre). Dans un collège de chanoines, ils pouvaient aussi bénéficier d’une semi-prébende canoniale, ou même d’une prébende, affectées aux stalles inférieures du Haut-chœur.
2 Arcs en plein cintre : en architecture, un arc est tout assemblage de pierre, de moellon ou de brique destiné à franchir un espace plus ou moins grand au moyen d’une courbe. Ce procédé de construction, adopté par les Romains, fut développé encore par les architectes du Moyen Âge et il a prédominé dans l’architecture romane avant l’introduction de l’arc-ogive au début du XIIe siècle en France. Un arc léger tient selon le principe de la compression. Les pierres taillées en biseau, aussi appelées claveaux se tiennent mutuellement alors que leurs assises ne sont pas horizontales. L’arc n’est stable que lorsqu’il est complet. C’est pourquoi il est nécessaire de monter d’abord un échafaudage (souvent en bois) appelé cintre afin de créer une structure temporaire sur laquelle on peut placer les pierres ou claveaux. La clef d’arc est la dernière pierre posée, c’est-à-dire celle du milieu. C’est elle qui confère à l’arc sa stabilité. On classe les arcs employés à cette époque en grandes catégories dont les arcs plein cintre, formés par un demi-cercle.
3 Stéréotomie La stéréotomie (du grec : Στερεός : « solide » et Τομή « coupe ») est le nom savant du « trait » (dessin) en taille de pierre. C’est l’ancêtre du dessin technique qu’on apprend encore à l’école (vue de face, vue de dessus,etc.). Ce sont des projections, la vue de dessus projetée se trouve sous la vue de face, sur le calque... la vue de gauche se trouve à droite... Le mathématicien Gaspard Monge, en codifiant le trait pour en faire la géométrie descriptive, s’est basé sur la stéréotomie de la pierre. La stéréotomie, c’est surtout l’art de découper des volumes en volumes plus petits formant un ensemble qui tiens debout. Par exemple, la division d’un arc en plusieurs pierres. Les tracés peuvent être très complexes. Par exemple, la division d’un arc en anse de panier à 11 points, rampant, de biais dans une trompe conique. Lors de la taille des pierres de ce type de tracé, aucune face ne sera d’équerre avec une autre, et le tailleur de pierre aura besoin de panneaux en vraies grandeurs (surface exacte projetée perpendiculairement) pour toutes les faces de son « caillou », le calepineur préparera les projections de toutes ses faces à une certaine échelle, puis l’appareilleur préparera à l’échelle 1 les panneaux servant à la taille.
4 Ornement composé de lignes, de traits ondés qui s’entrelacent ou se croisent avec symétrie.
5 En architecture - construction le remplage désigne : Fenêtres à remplages flamboyants (cloître de la cathédrale de Constance) * Une armature en pierre d’une baie. Ce procédé s’est développé avec l’architecture gothique qui a engendré des ouvertures de plus grande taille. On distingue généralement la partie haute du remplage : le "réseau" ; et la partie basse où sont alignés les "meneaux" et les "lancettes". Les divisions obtenues par le remplage sont appelées « jours » ou « ajours ».